Née par un beau matin du mois de juin à Londres, Phoenix était la petite protégée de ses parents. Non pas qu'il y ait favoritisme, ils adoraient son frère aîné aussi. Mais étant assez traditionnels, la famille de petite bourgeoisie britannique maintenait les codes de l'éducation différente selon le sexe de l'enfant. Ainsi, lui eut droit aux voitures, aux jeux vidéos (à petite dose bien sûr), au judo et autres sports de combat. Elle, c'était plutôt barbies et services à thé. En soi, elle s'amusa beaucoup pendant cette enfance, il n'y a rien à y redire. Des parents aimants est tout ce qu'il faut, le reste peu importe. C'est pour les réactions qui suivent lors du passage à l'âge adulte des enfants que cela est plus compliqué. Notamment lorsque le grand frère de Phoenix avoua son homosexualité, et que ses parents l'ont renié. Enfin, nous y reviendrons plus tard.

Lorsque Phoenix avait 5 ans, ils quittèrent l'Angleterre pour aller s'établir à New York -enfin, plutôt dans un charmant pavillon de banlieue- au nom des affaires de son père, dont le salaire doubla rien qu'en traversant l'Atlantique. Ils n'étaient pas riches, mais vivaient bien comme il fallait. Mais à l'adolescence, les tentations se faisaient grandes à New York. Suivant les pas de son frère, Phoenix se laissa entrainer dans des fêtes assez dantesques, trouvant toujours un moyen d'entrer et de se faire refiler de l'alcool par quelqu'un de plus âgé. Elle y allait souvent avec des amies, dont une fille avec qui elle était rapidement inséparable. Elles se connaissaient depuis au moins une dizaine d'années quand elles commencèrent à faire la fête d'une façon assez outrageuse. Elles terminaient souvent mal, mais rusaient d'improbables stratagèmes pour éviter les ennuis, notamment avec leurs parents. Mathilda et Phoenix, c'était le tandem infernal de la nuit. Alcool, parfois drogues, pas mal de choses y passaient. Les garçons aussi, dont celui qui fut la première fois de Phoenix, un garçon sympathique, un peu plus vieux qu'elle, qui finit par la larguer parce qu'il avait eu ce qu'il voulait, quelques nuits dans son lit. Aujourd'hui, elle se consolait en se disant qu'elle n'en était pas si amoureuse. Alors que, si, un peu. En tous cas elle en avait beaucoup souffert de cette rupture, elle qui était et est toujours si sensible.

Du coup, le week-end suivant, Mathilda et Phoenix partirent pour une fiesta d'enfer. A la sortie d'une boite de nuit, elles tombèrent sur un de leurs amis dealeurs - à force, on se fait un carnet d'adresses sympathique. Il leur proposa de passer chez lui, elles acceptèrent, complètement alcoolisées. Elles avaient 19 ans, et ne se rendaient compte de rien. Il les fit entrer, et consommer son stock un peu. Dans le lot de ce qu'elles purent prendre, il y avait la drogue du violeur. Il avait bien prévu son coup. Il avait commencé à les caresser un peu sur le lit, elles qui ne se doutaient de pas grand chose. Sauf qu'au moment de passer aux choses sérieuses, Mathilda perdit conscience. Sans grand ménagement, il la dégagea du lit et la posa par terre, avant de violer sans ménagement Phoenix, qui résista un peu au début, dans un soubresaut de conscience, avant de devoir plier sous sa force et les coups qu'il lui assénait. Après ce sentiment de honte -le viol avait fait disparaître certains effets de l'alcool et de la drogue, lui rendant un état de conscience accru pendant l'acte - elle ne se réveilla qu'à l’hôpital, deux jours plus tard. On lui raconta la suite: les policiers les avaient trouvées elle et Mathilda, enroulées dans une couverture, par terre dans la rue. Sauf que Mathilda était décédée de son overdose. Toutes leurs extravagantes soirées du week-end avaient trouvées une conclusion bien tragique. Phoenix pour sa part, avait quelques blessures, notamment dues au viol, et une pneumonie à cause du froid de la nuit passée dehors. Elle eut du mal à s'en remettre, mais évidemment ce n'était pas le pire. Le pire ce fut à la fois la honte, la culpabilité, la douleur d'être sans sa meilleure amie, la colère aussi. Elle s'en voulait terriblement, à tel point qu'à l'hopital, elle pensa plusieurs fois au suicide avec les instruments à sa portée. Mais à chaque fois, une infirmière ou un de ses proches passaient au mauvais moment. Son frère fut très présent pour elle à cet instant, se sentant peut-être coupable aussi de l'avoir entrainée dans cette spirale. Ses parents étaient un peu déçus de sa conduite, cela se sentait.

Enfin, elle s'en sortit peu à peu, comptant heureusement sur le soutien de quelques proches. Après l'accablement et la honte, un sentiment émergea peu à peu: celui de se rattraper. Pour cela, une possibilité émergea rapidement: celle de devenir policière. Elle qui auparavant ne savait pas trop quoi faire de sa vie, avait trouvé sa vocation. Elle ne voulait pas le faire pour être une sorte d'instance moralisatrice, disant "oh la la ce n'est pas bien" à chaque jeune voulant s'amuser un peu. Elle voulait au contraire arrêter les types comme celui qui l'avait violée. Et puis, elle avait toujours aimé enquêter un peu. Assez perspicace, elle pouvait le faire. Après une année en psychologie à la NYU, elle rentra donc dans une école à cet effet, étant la seule fille de sa promotion. Elle en riait, elle ne faisait pas de généralité sur les hommes, tout en restant assez méfiante tout de même. Elle prenait les blagues sexistes qu'elle recevait un peu au second degré, elle s'en blindait et remettait les auteurs à leur place lors des tests. Elle termina d'ailleurs première de sa promotion et eut son diplôme avec les honneurs. Ses parents se montrèrent d'ailleurs très fiers à cet instant de leur fille. Mais en vrai, pendant ses 4 ans d'études, ils ne firent qu'émettre des doutes, comme quoi sa profession n'était pas convenable pour une jeune femme, qu'elle n'y arriverait pas... Du coup Phoenix prit ses distances, et se contentait d'un appel poli de temps à autres. Elle était largement plus proche de son frère, qui lui n'avait plus de contacts avec leurs parents, qui l'avaient reniés à cause de son homosexualité. Phoenix n'en revenait pas de leur attitude et leur en voulait terriblement. Ils ne vivaient pas très loin l'un de l'autre, et en profitaient pour se voir assez souvent, elle aimait beaucoup leur relation.

Niveau relations, elle avait de très bons amis, et eu quelques petits amis, notamment parmi ses collègues de promotion, mais le grand amour ne s'y montrait toujours pas. Tant pis. Elle était passé au monde professionnel désormais, avec un métier d'officier de police auxiliaire dans un commissariat du centre de New York. Elle s'en sortait plutôt bien, elle avait même tenu tête à sa hiérarchie pour ne pas faire que les contraventions dans la rue. Elle avait gagné le respect de sa hiérarchie par quelques affaires, dont une qui avait fait grand bruit. Ils cherchaient un criminel qui s'attaquait à une famille fortunée de la ville. Elle avait décrypté son identité, et ils étaient en patrouille avec un collègue pour le trouver. Ils tombèrent sur lui dans Central Park, alors qu'il s'apprêtait à jeter une vieille dame - très riche et connue dans la ville - dans le lac. Elle bondit hors de la voiture sans attendre son collègue, fonça sur le tueur qui était de dos. Elle l'assomma -elle était assez forte en arts martiaux- et couru secourir la vieille dame. Les témoins sur place - au lieu de l'aider à la remonter sur la rive- prirent évidemment des photos et vidéos qui circulèrent partout sur la toile. En quelques instants, elle était devenue une héroïne. Alors qu'elle n'avait fait que faire son travail et suivre son instinct. Le lendemain, son visage (détrempé par l'eau du lac) était en couverture des journaux locaux. La vieille dame ne cessa de louer son courage, faisant d'elle une véritable célébrité. Depuis, elle a eu droit aux honneurs de la ville et a ses entrées dans beaucoup de lieux assez select. Parfois, on la reconnait dans la rue, mais depuis un mois cela s'estompe, heureusement. Elle est cependant encore sur les listings des évènements semi-mondains de la ville, et s'y plait plutôt bien, même si les compliments ne lui font pas prendre la grosse tête. Elle espère simplement qu'au boulot, la confiance de ses supérieurs va continuer.

Heureusement, l'attention médiatique retomba rapidement. Un jour, alors qu'elle faisait son jogging -activité qu'elle se force à faire mais qui ne la passionne absolument pas- un jeune homme l'interpella, croyant qu'elle était blessée. Seuls ses écouteurs étaient endommagés, rien de grave. Ils discutèrent, et finirent chez elle, à deux doigts de coucher ensemble. Ils en vinrent au fait quelques jours plus tard. Ce Yohan la perturbait, en sa présence elle était comme transportée, elle avait des sentiments assez forts pour lui. Ils étaient peut-être mieux à ne rester que de simples amis, mais elle ne pouvait s'empêcher de l'apprécier au plus haut point. Ils se connaissaient depuis plus d'un an maintenant, et s'apprécient mutuellement, même si de temps en temps une drôle de tension pas seulement amicale s'immisce entre les deux jeunes gens.