your life in the city.
"
C'est tout ce que je te demande en échange ". Non. Pitié. Tout sauf ça. Je me levai précipitamment, dégoûtée par la proposition qu'il venait de me faire. Mon "beau-père", si je pouvais l'appeler comme ça, ne m'aimait pas, il ne m'avait jamais aimé. Mais visiblement, cela dépasser le domaine de la fréquentation. Il ne faisait pas que me détester, non. Il me rabaissait, aussi. Il me manquait en respect en pensant m'acheter de la sorte. Me proposer des sommes folles pour rompre avec son fils, voilà une proposition qui frôlait incandescence. J'avais toujours été dans le besoin, plus ou moins. Nous ne roulions pas sur l'or. Mais j'avais des valeurs, et je comptais bien m'y tenir. Et ces valeurs, à lui, qu'en était-il ? Parlons-en ... Pousser la petite amie de son fils pour le quitter sans ménagement, en échange d'une somme d'argent, alors que le fils en question était heureux avec elle, ça restait ... Inhumain. Je comptais fuir, au plus vite, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, son père me répugnait. La seconde était plus complexe : j'avais peur de céder à sa demande. Tout simplement. Parce que cet argent là, j'en avais cruellement besoin. Mais mon cœur me poussait à ne pas l'accepter, tout simplement parce que je refusais de sacrifier Julius. Visiblement, le père de ce dernier ne comptait pas s'en arrêter là pour autant. Il posa sa main sur mon bras pour stopper ma route. Je levai les yeux vers lui. L'homme sondait mon âme, ma parole. Il déclara d'une voix blanche : "
Tu crois que je ne sais pas ce qui se passe dans ta vie ? Je sais tout, ma petite. Tout. J'ai le pouvoir, ici bas. J'ai l'influence, j'ai l'argent. Je contrôle tout. Je t'offre le moyen de choisir un chemin qui nous convient à tous les deux. Beaucoup n'ont pas cette chance, ne la gaspille pas. De toutes manières, que les choses soient claires : tu ne resteras pas avec mon fils. J'y veillerai. Alors, autant limiter les pots cassés, veux tu ? " il se permit de prendre une pause en allumant une clope, me regardant véritablement comme un gangster. Levant un sourcil, et profondément dégoûtée par son attitude et ses paroles, je me permis de rétorquer : "
vous vous prenez vraiment pour le parrain. Le charisme en moins. " Il n'hésita pas à rire, mais répondit : "
C'est ça, fais ta maline. Mais en attendant, c'est ta mère qui souffre, ta mère qui paie les conséquences de tes actes irréfléchis et de ton égoïsme. Elle est malade, je le sais. Je sais tout, je t'ai dis. Et je sais aussi que tu n'as pas les moyens pour la guérir. Moi je te les offre généreusement, ces moyens. Et toi, tu les refuses. Tu entretiens la maladie de ta propre mère et tout ça pour quoi ? Pour une amourette ? Belle notion de la famille, vraiment. Je t’applaudis. " je levai les yeux pour ne pas pleurer. Il jouait sur mes points faibles, je le savais. Pour autant, je ne pouvais m'empêcher de me laisser convaincre petit à petit. Au fond de moi, je sentais qu'il avait une part de vérité. J'aimais Jules'. Profondément, éperdument. Cet amour durerait toujours, je le savais. Mais qui étais-je pour sacrifier la vie de ma mère au nom de mon bonheur personnel ? Je devais défendre ma famille, c'était mon devoir, et j'étais la seule apte à le faire, désormais. Cette responsabilité m'était réservée. Elle était bien lourde pour une fille si jeune, mais c'était la mienne, et la loyauté que je réserverais à ma famille demeurait inébranlable. Peu importe les sacrifices que je devais faire, et les moyens que j'utilisais. Je devais garder mon but premier en tête : sauver les miens. Je réparerai mon cœur brisé plus tard. En attendant, là, j'avais une opportunité incroyable. Peut-être n'aurais je jamais les moyens nécessaires pour subvenir aux moyens de ma mère. Les soins étaient bien trop chères, et ma soeur ne serait jamais en capacité de les financer. C'était le seul recours, aussi difficile et peu moralisateur soit-il. Satan en personne sentait que je perdais mon assurance et mes bonnes valeurs, il en rajouta une couche : "
la santé de ta mère devrait rester une priorité. Quel avenir aurais tu avec Julius ? Peut-être auriez vous spontanément rompu d'ici deux jours, une semaine, un mois ? Tu seras alors sans lui, et sans argent. Je t'offre le compromis idéal. C'est le moment ou jamais. " il ajouta, tel un coup de grâce : "
Pense à julius. Les choses seront plus faciles si tu le quittes rapidement. Il s'en remettra plus vite. Ne sois pas égoïste. C'est la meilleure chose à faire. Pour ta mère, pour lui, pour toi, pour moi. " je le fixai de mes grands yeux noisettes. Tout me dégoûtait chez lui. Ses propos, son dédain, sa façon de dénigrer le couple que je formais avec Julius, sa manière de profiter de mes faiblesses. Et avant toute chose, ses funèbres projets.
Malheureusement, je n'avais plus le choix, et je le savais. C'est pourquoi je voulais faire les choses vite et bien. Pour ne pas revenir en arrière, pour ne pas souffrir plus que je ne pouvais le supporter. Une heure après seulement, je rassemblais tout mon courage pour me dresser face à celui que je considérais comme l'amour de ma vie, et lui affirma : "
Ecoute, c'est terminé ". Ses mots me déchirèrent le coeur, mais le plus dur fut de le cacher. J'essayai d'adopter une attitude froide, distante. Alors que ma seule envie était de me glisser dans ses bras, comme j'aimais tant le faire. La vie est cruelle. Il semblait tomber des nues, et je le comprenais tellement : "
Comment ça, 'c'est terminé ?' Qu'est ce qui est terminé ? " non, je t'en supplie, ne m'oblige pas à le dire, pensais-je. Je ne voulais pas développer, disserter, et encore moins donner de fausses raisons, des stéréotypes préchauffés qui ne correspondaient tellement pas à notre couple qui s'était toujours différencié des autres. Mais je me devais de le faire. Pour me rappeler la véritable raison de cette rupture, je gardai en tête l'image de ma mère souffrante. Son teint terne, les perfusions, et je me remémorai, non sans souffrance, la peur qui me prenait au ventre tous les jours à l'idée de la perdre. "
Nous. Notre couple, notre histoire, tout ça. C'est fini ". J'ajoutai, de manière presque robotique, sans ménagement (dans l'espoir que cela serait moins douloureux pour moi, ce ne fut pas le cas) : "
j'étouffe, j'en peux plus. Je m'ennuie dans notre relation, et je trouve qu'on est plus du tout sur la même longueur d'onde ... " j'évitai son regard, tout en disant : "
ce n'est pas la première fois que tu te fais plaqué, j'imagine. Tu t'en remettras, ce n'est pas si dramatique qu'on le croit. Tu t'y feras. L'habitude vient rapidement. " Était ce lui que j'essayais de convaincre, ou moi-même ? Peu importe, l'idée restait la même. J'essayai tout simplement de me rassurer en comparant l'apparente futilité d'un amour d'adolescents, à celui de l'importance de la survie d'une mère. J'essayai vraiment, mais je n'y parvenais pas. Alors, avant même qu'il ajoute quoi que ce soit, je pris l'initiative de disparaître. Avant de pleurer, avant de regretter. Avant de me laisser aller à l'aimer.
by razorblade kiss.