Ils défilent. Tous. Les uns après les autres. Comme un manège incessant, une succession de bonjour, au revoir, un raz-de-marée de visages, de corps. Sous ses allures feutrées, renfermées, presque secrètes, le sex shop renferme une aura hypnotique. Poppy pourrait rester assise derrière son comptoir pendant des heures à observer les gens, à essayer de deviner quels films, quels objets leur correspondent, la raison de leur venue, leur but. Parfois ils restent là, à se ronger les ongles en observant les allées, leur regard accroche un objet et ils hésitent. Poppy pourrait presque entendre les pensées se bousculer, se mélanger dans leur tête. Beaucoup hésitent avant de s'échapper sans lui adresser un mot. La brune soupire. Dans ses moments-là, elle se perd dans ses pensées, elle divague pour mieux s'retrouver. Elle les laisse débattre tout seul, elle attend. Mais aujourd'hui, quelque chose la bloque. La brune étouffe un soupir qui se meurt à la lisière de ses lèvres, contre ses dents. Son dos, sa tête la tuent. Elle a besoin de se changer les idées, son regard accroche les couleurs roses, vertes et bleues qui se mélangent devant elle. Poppy secoue légèrement la tête en jetant un regard accusateur aux néons posés derrière l'étagère de vibromasseurs. Y'a trop de lumière, c'est n'importe quoi. Elle lui a dit mille fois, les néons ça n'attire pas les clients, ça les effraie. Ils doivent tous penser que s'ils passent la porte, une horde de pénis radioactifs va leur sauter à la gueule. L'étagère perd rapidement son attention. Putain. Et cette gueule de bois qui lui rappelle seconde après seconde que la vie est une pute. Elle s'perd. Ses gestes sont mécaniques, ses sourires froids, ses regards sans vie. Elle est à bout. Aujourd'hui c'est le jour de trop. Ses paupières se ferment pendant un millième de seconde, plongeant son monde dans l'obscurité. Elle s'accorde un moment, enfouit sa tête dans ses mains et respire profondément. Un sourire naît au coin de ses lèvres, elle arrive presque à se convaincre qu'elle est dans son lit enfouie sous ses draps jaune citron. Paisible. Et puis elle se remet en mouvement, parce qu'elle là pour bosser. Elle déambule à travers les rayons, en murmurant les paroles de la chanson qui s'échappent des baffles. Elle arrange un truc ici et là, ça l'aide à avoir bonne conscience. Elle a l'impression de servir à quelque chose. La porte s'ouvre, le bruit l'a fait sursauter. Le truc, c'est qu'elle a jamais vraiment eu une très bonne coordination des mouvements. Un geste brusque de sa main et tous les vibros s'écroulent en un bruit sourd sur le sol. Poppy retient sa respiration. Une furieuse envie de rire naît au fond de son ventre mais elle doit être professionnelle, elle tente de se retenir. Au milieu des vibros. Elle entend les pas du client se rapprocher d'elle. Elle se mord la joue. Calme. « Bonjour... hm, j'peux vous aider? » Sa voix est hésitante, incertaine. Elle est là à nager au milieu d'une mare de dildos. « J'sais que j'ai pas l'air très crédible là tout de suite... » Elle grimace, ses joues sont en feu, elle ose pas se retourner. « Vous pouvez m'aider en fait? » Elle sait que c'est pas professionnel mais merde, elle a pas envie de jouer à la vendeuse parfaite aujourd'hui. Et son mal de tête l'a tue.
ಇ omega psi
Hendrix N. Oldsen
Je suis en ville depuis le : 13/06/2014 et j'ai rendu : 187 J'ai : 30
Quand t’as dit à Justine que t’allais au sex shop, elle s’est littéralement foutue de ta gueule. Elle a ri, elle a ri jusqu’à ne plus en pouvoir. Les larmes coulaient presque au coin de ses yeux. Dans un sens, elle avait raison de se moquer. Ça changeait complètement de tes habitudes. Au lieu de passer une après-midi avec ta meilleure amie, t’allais foutre les pieds dans un endroit que tu n’appréciais pas tellement. Pour toi, les sex shop, ça respire les vibros et les sex toys. Rien de plus que des lumières néons qui foutent un mal de tête à s’en arracher le crâne. Il faut dire aussi que tu ne t’y connais pas tellement, sur ce sujet-là. T’es pas du genre à déshabiller tout ce qui passe, Hendrix. C’est pas toi, ça. T’attends pas non plus la princesse charmante, parce que t’as bien compris qu’elle n’allait pas arriver de sitôt. T’es pas si compliqué que ça, pourtant. T’en veux juste une qui ne fasse pas de conneries, qui soit belle, un minimum intelligente, qui ne te trompe jamais, qui ne couche pas avec tout ce qui passe et qui soit foutrement amoureuse de toi… OK, réflexion faite, quand on voit la jeunesse de New-York actuelle, t’es peut-être un peu compliqué. Mais genre, juste un peu. C’est bien pour ça que tu as cessé d’y croire. Il suffit de voir tes parents, même si un jour ils ont été mariés, pour comprendre que l’amour c’est super galère à trouver. Un rien peut tout foutre en l’air. Par un rien, t’entends plein de choses. Putain de contradictions, elles te perdront, un jour. Des gosses, des bouteilles, des addictions, des rêves calcinés… Bien des choses peuvent perdre un couple. Et sûrement parce que t’as peur de reproduire les erreurs de tes parents, t’oses pas t’engager. T’en as pas eu beaucoup des copines, et pourtant t’aurais pu. T’aurais pu en avoir des vingtaines, coucher avec qui tu voulais… Mais tu ne l’as pas fait. Parce qu’avant tout, t’essayais de rester toi-même. Alors pourquoi tu vas dans un sex-shop ? Sachant que c’est pas ton truc, ces magasins-là. Ah ouais. C’est vrai. Y’a cette fille. Avec ses cheveux noirs comme le jai, son regard qui en ferait tomber plus d’un, son sourire collé sur le coin de ses lèvres, cette façon qu’elle a de te provoquer, son addiction à la fête et aux soirées. Et toi, sans t’en rendre compte consciemment, tu deviens accro à elle. Sans même t’en rendre compte, tu deviens dépendent d’elle. Elle remplace ta marie et ta jeanne en une seconde. Alors tu te pointes à son lieu de travail, parce que t’as juste envie de la voir. C’est aussi simple que ça. Tu prends ta voiture, tu sautes dedans et tu roules jusqu’à sa boutique, ignorant les ricanements de Justine. T’arrives sur place, tu pousses la porte. Tu la vois, au sol, entourée d’une mare de vibros. Tu ricanes, tu t’approches d’elle. Tu ne te fais pas discret. Après tout, c’est toi le client, non ? « Je sais pas, à toi de me le dire, Poppy. » Elle hésite. C’est rare quand elle hésite, ta Poppy. Ça te fait sourire doucement, elle est belle, comme ça. « Non, en effet, tu perds de ta crédibilité. » Tu t’assois au sol, à ses côtés. Tu la regardes. « C’est bon, c’est rien que moi. T’as pas à être gênée. Je t’ai vue dans des états bien pires… » Elle est vraiment sexy, come ça.